mercredi 30 juin 2010

Lettre à Liliane Bettencourt

par Didier Testot.

Madame,

Je vous écris cette lettre que vous lirez peut-être si votre entourage le veut bien.  Ce qui vous arrive aujourd'hui m'attriste, car vous occupez désormais la rubrique des faits divers, et les loups ne vont pas vous lâcher. La période de crise que nous traversons est trop intense pour que les loups ne fassent pas de vous leur festin : héritière,  votre richesse devient  le lieu de tous les commentaires, à nouveau la France va pouvoir se dire, l'héritière est comme nous, elle a les mêmes problèmes, la seule différence, elle est très, très riche, mais elle aussi avec sa famille, tout n'est pas écrit d'avance. Elle a pu faire ce qui lui plaisait. Mais l'argent,  la vie des riches, fascine et attire les quiproquos.

Une photo résume sans doute la situation : Celle avec André Bettencourt en 1994, parce que cette photo a été réalisée par François-Marie Banier. Inconnu de tous les Français mais connu du "Tout-Paris". Ce "Tout-Paris" qui ne le supporte pas car il a su vous approcher.
Il faut dire que dans le "Tout-Paris", vous le savez d'autres auraient bien aimé en croquer de votre fortune. Un milliard dit-on pour un photographe mondain, cela ne passe pas ! Ce tourbillon médiatique qui est arrivé alors que vous avez été plutôt discrète au cours des dernières années, doit être dur à supporter.

Comment avez-vous pu en arriver là ?  A la Une de la presse économique, c'est normal, mais de la presse  tout court ?

Jusqu'à présent, comme la plupart des Français, je ne connaissais de vous que des chiffres, ceux que mes confrères publiaient chaque année, vous étiez en tête du classement des personnalités les plus riches de France. La femme la plus riche de France. "Héritière l'Oréal" comme écrivait la presse magazine, vous êtes à ce jour toujours la seule femme à figurer dans ce classement des fortunes de France, à ce niveau.
Entourée de François Pinault ou de Bernard Arnault, selon les années, les seules nouvelles que l'on pouvait avoir de vous si l'on ne vous fréquentait pas, étaient donc celles-là  : une femme riche, un certain style, peut-être une froideur pour ceux qui ne vous connaissaient pas,  et surtout peu de photos de vous, (les photos utilisées par les journaux en ce moment le montrent, toujours les mêmes).
 Photo © Fondation Bettencourt Schueller

Les avocats qui vont plaider dans ce dossier sont bien connus de la scène médiatique, ce qui ne va pas sans excès de part et d'autres. Après toutes les révélations qui ont été faites au cours des dernières semaines, d'autres sans doute vont encore venir. La presse parle de l'affaire "Bettencourt", parce que vous auriez des comptes en suisse.  Affaire "Woerth" oui,  avec un ministre du Travail , ex-ministre du Budget qui chassait "officiellement" les vilains fraudeurs et qui tente de se justifier sur ses actes au rythme des révélations. La Vème République va compter bientôt plus d'affaires que la fameuse IIIème République riche en ce domaine.

Au delà de ce brouhaha, je sais par déformation professionnelle que le plus important, derrière cette destabilisation politico-financière, est que vous êtes d'abord celle qui peut faire en sorte que l'un des fleurons du CAC40, la société l'Oréal, reste en France, avec son savoir-faire.
Alors que le Monde a du mal à se sortir de la bulle financière qui a engendré un excès de dettes, pour construire un système de croissance durable, votre affaiblissement, d'une manière ou d'une autre ne sera pas sans conséquences.  J'espère que les politiques qui se sont servis de vous auront l'élégance de penser à un moment à la France qu'ils sont censés servir.

Il n'y a pas tant que cela de "portes-avions", comme l'écrit dans son livre Serge Blanchard "Notre avenir dépend d'eux" (Editions François Bourin Editeur),  et vous en êtes à ce jour, pour l'une des valeurs phares du CAC40, la gardienne. Le plus important est ici dans le pacte entre Nestlé et la famille Bettencourt signé en 2004.


"5 février 2004 Publicité d’une convention entre actionnaires (article L. 233-11 du Code de commerce)
A ce jour, la Famille Bettencourt et Nestlé détiennent respectivement 51% et 49% du capital et des droits de vote de Gesparal qui elle-même détient 364 042 900 actions L’Oréal soit 53,85% du capital et 71,66% des droits de vote (au 31 décembre 2003).
Le Protocole d'accord signé le 3 février 2004, entre Madame Liliane Bettencourt, les membres de sa famille et la société Théthys1, société holding dont le capital est détenu en totalité par les membres de la famille, d'une part, et la société Nestlé d'autre part, prévoit la fusion absorption de Gesparal par L’Oréal et contient les clauses suivantes :
-    Clauses relatives à la fusion entre Gesparal et L’Oréal et à la suppression des droits de vote double de L’Oréal
Les parties se sont engagées à voter, en leur qualité d'administrateurs de L’Oréal et d'actionnaires de Gesparal, en faveur de la fusion absorption de Gesparal par L’Oréal. Compte tenu du fait que la société Gesparal a pour seul actif sa participation dans L’Oréal, sous réserve de quelques actifs ou passifs d'importance mineure, la parité retenue est une action nouvelle L’Oréal pour une action L’Oréal détenue par Gesparal.
A l'issue de la fusion et après la suppression des droits de vote double, la Famille Bettencourt détiendra directement et indirectement 185 661 879 actions L’Oréal soit 27,48% du capital et 28,58% des droits de vote ; Nestlé détiendra directement 178 381 021 actions L’Oréal soit 26,38% du capital et 27,46% des droits de vote2.
Les parties se sont également engagées à voter en faveur de la suppression des droits de vote double actuellement prévus par les statuts de L’Oréal.
-    Clauses relatives à la gestion des actions détenues dans le capital de L’Oréal, après réalisation de la fusion
Plafonnement
Les parties se sont engagées à ne pas augmenter directement ou indirectement leurs participations en capital ou en droits de vote dans L’Oréal, par quelque moyen que ce soit, pendant une durée minimum de trois ans à compter de la date de réalisation de la fusion ou à compter du 29 avril 2004 si la fusion n'a pas été réalisée à cette date, et en tout état de cause pas avant six mois après le décès de Madame Bettencourt.
1 Les membres de la Famille Bettencourt, y compris Thétys, agissent solidairement entre-eux,et se sont engagés irrévocablement à voter dans le même sens.
2 Pourcentages calculés sur la base d’une parité de fusion de l'action L’Oréal pour l'action L’Oréal détenue par Gesparal et hors variation de l’autocontrôle et exercice des options offertes aux cadres et salariés du groupe.
L’OREAL
(Premier marché)
1Incessibilité
Les parties se sont engagées à ne pas céder leurs actions L’Oréal en totalité ou en partie directement ou indirectement, pendant une durée de cinq ans à compter de la date de réalisation de la fusion ou à compter du 29 avril 2004 si la fusion n'a pas été réalisée à cette date,
Exceptions aux engagements de plafonnement et d'incessibilité
a)    l'engagement de plafonnement ne s'applique pas si l'augmentation de la participation résulte d'une réduction du nombre d'actions ou de droits de vote de L’Oréal, de l'acquisition par la société de ses propres actions, ou de la suspension ou suppression des droits de vote d'un actionnaire.
b)    Les engagements de plafonnement et d'incessibilité cessent d'être applicables dans le cas d'une offre publique sur les actions L’Oréal - sauf offre publique réalisée par la société sur ses propres actions -, à compter de la publication de l'avis de recevabilité et jusqu'au lendemain de la publication de l'avis de résultat.
c)    En cas d'augmentation du capital social de L’Oréal, les parties peuvent, à condition que l'autre partie ait voté en faveur de l'augmentation de capital, acquérir des actions ou souscrire de nouvelles actions, afin de maintenir leur participation au quantum existant avant ladite opération.
d)    Les parties sont libres de procéder à des transferts d'actions L’Oréal en faveur, pour les personnes physiques, d'un ascendant, descendant ou conjoint sous forme de donation et pour les personnes physiques ou morales en faveur de toute société dont la personne procédant au transfert détiendrait plus de 90% du capital ou des droits de vote
Préemption
Les parties se consentent réciproquement un droit de préemption sur les actions L’Oréal qu'elles détiendront au jour d'effet de la fusion et qu'elles seront amenées à détenir.
Ce droit de préemption entrera en vigueur à l'expiration de la clause d'incessibilité pour une durée de cinq années ; par exception, il entrera en vigueur avant l'expiration de la période d'incessibilité en cas d'offre publique sur les actions L’Oréal pour une durée débutant le jour de l'avis de recevabilité et, se terminant le lendemain de la publication de l'avis de résultat.
Absence de concert avec un tiers
Les parties se sont interdites pendant une durée de dix années, à compter de la date d'effet de la fusion, de conclure avec un tiers un accord ou un concert relatif aux actions composant le capital social de L’Oréal.
La violation de cet engagement ouvre droit, au profit de l'autre partie, à l'exercice du droit de préemption sur la participation détenue par la partie auteur de la violation, pour un prix par action égal à la moyenne des trente derniers cours de bourse, avant la notification d'exercice du droit de préemption.
-    Conseil d'administration
Le Protocole ne prévoit aucune modification du conseil d'administration par rapport à sa composition actuelle, mais l'engagement de vote des parties en faveur de la désignation en qualité d'administrateurs de trois membres proposés par l'autre partie.
La Famille Bettencourt et Nestlé s'engagent également à voter en faveur de la désignation de deux vice-présidents du conseil d'administration, l'un proposé par la Famille Bettencourt, l'autre proposé par Nestlé.
Les parties ont prévu la création d'un comité au sein du conseil d'administration de L’Oréal dénommé "stratégie et réalisations" qui comptera six membres, sera présidé par le Président du conseil d'administration de L’Oréal et composé de deux membres proposés par la Famille Bettencourt, deux proposés par Nestlé et d'un autre administrateur indépendant. Il se réunira six fois par an.
2 - Durée
Sauf stipulations contraires, le Protocole restera en vigueur pour une durée de cinq années à compter de la date de réalisation de la fusion ou à compter du 29 avril 2004, si la fusion n'est pas réalisée à cette date, et en tout état de cause jusqu'à l'expiration d'une période de six mois après le décès de Madame Bettencourt.
La réalisation de la fusion est soumise à la condition suspensive de décisions en ce sens des assemblées générales extraordinaires des actionnaires de Gesparal et de L’Oréal et d'une décision de l'Autorité des marchés financiers, devenue définitive en cas de recours, constatant qu'il n'y a pas lieu de procéder à une offre publique obligatoire en raison de la fusion envisagée.
*Il est précisé que les parties ont déclaré agir de concert pour une durée de cinq ans à compter de la date de réalisation de la fusion.
"

C'est du jargon juridique mais il résume très bien pour les spécialistes la clé :

La famille Bettencourt partage le pouvoir dans l'Oréal avec Nestlé, et celui des deux partenaires qui sera le plus fort, certains banquiers d'affaires diraient, le plus "malin",  emportera la mise, parce qu'il le vaut bien.
Cette affaire Bettencourt est une affaire l'Oréal, et donc elle concerne la France. Le côté People est sympathique, mais il ne vaut rien.

Liliane Bettencourt a parlé à Claire Chazal mercredi dans sa maison de Bretagne : JT 2 juillet TF1



samedi 19 juin 2010

Raymond Messier Jean-Marie Domenech Raymond Kerviel Jérome Domenech Jean-Marie Kerviel Jérome Messier...

par Didier Testot.

L'actualité nous donne parfois des raccourcis étonnants. Procès de Jérome Kerviel contre la Société Générale, Jean-Marie Messier au Tribunal en France après avoir goûté aux joies de New York, la finance et les grandes entreprises décortiquées par des juges professionnels peu au fait des questions économiques et financières, et l'équipe de France de Football, qui entamait ce Mondial 2010 avec un match nul contre l'Uruguay encourageant car "porteur d'espoir", puis s'enfonçait dans la médiocrité perdant son honneur devant le Mexique. Quel rapport entre ces trois "affaires" ? A vrai dire au delà de leur concomitance, elles montrent comment notre société évolue vers une nouvelle règle de vie : 

Responsable mais pas coupable.

Quel que soit la manière dont Jérôme Kerviel a su cacher ou pas les opérations financières à la Société Générale, il a choisi ce qu'il a fait, le contrôle a peut-être été défaillant, la Générale s'en défend, c'est logique, mais le trader a choisi de faire ce type d'opérations plutôt que des opérations sans conséquences "exceptionnelles" pour la banque. La banque qui a frôlé la catastrophe a depuis modifié sa politique interne et plusieurs de ses cadres ne sont plus aux commandes.

Jean-Marie Messier qui souhaite que l'on oublie sa période J6M "Jean-Marie Messier Moi-Même Maître du Monde",  voit sa vie de J6M détaillée au Tribunal et cherche à démontrer que ce qui est arrivé n'était pas tant de sa faute que de la crise Internet.

                 








 (Photo Sipa)




A ce propos l'article de Challenges qui détaille les petites phrases du procès, la plus emblématique sans doute :  "On nous traitait de fou à l'époque. Mais ce que nous anticipions alors, la convergence des contenus et des contenants, c'est ce qui se passe aujourd'hui avec l'iPhone ou le BlackBerry".
Même après toutes ses années, il ne comprend pas ou fait semblant de ne pas comprendre : lorsqu'on dirige une entreprise, on en peut pas avoir raison trop tôt.
Surtout en mettant en difficulté son entreprise comme il l'a fait. Ce qu'il a fait en tant que Pdg, il l'a fait avec de l'argent qui n'était pas le sien. Il avait peut-être l'intuition de l'avancée technologique et on ne peut lui enlever cela mais justement, il aurait du avancer prudemment, et la folie associée à cette période (Jet Paris New York, soirées et petits fours...), rien ne l'obligeait à y contribuer. 
Pêter les plombs à la tête d'une entreprise internationale, sans contre-pouvoir car les administrateurs ont laissé s'installer la folie des grandeurs, n'est pas une excuse sérieuse. 
Comme le dirait un grand amateur de poker que j'avais eu l'occasion de croiser, "ce n'est pas la même chose de jouer en virtuel sur Internet, que mettre sur la table 150.000 euros qui vous appartiennent, vous n'avez pas le même comportement". Là pour Vivendi Universal devenu Vivendi tout court, il s'agissait de milliards d'euros.

L'Equipe de France de Football a à sa tête une personnalité Raymond Domenech, qui depuis des années essaye de faire croire, qu'il sait mieux que n'importe qui d'autres, sélectionner des joueurs pour les mener à la victoire. Personne ne le comprend, mais lui sait qu'il y arrivera, comme un gourou. 
Pourtant une équipe de football, c'est 11 hommes et un sélectionneur, si le sélectionneur, pendant plusieurs années ne réussit pas avec son équipe, c'est qu'il ne sait pas faire.
Ceux qui l'ont gardé, en l'occurence la FFF (Fédération Française de Football), ne peut nier ses responsabilités, avec comme premier responsable le sélectionneur, celui qui n'arrive pas à faire travailler 11 joueurs ensemble.
AP/Franck Fife

Le clash publié avec Anelka dans l'Equipe avec la "Une" provocatrice vendeuse, (les chiffres de ventes de ce numéro sont attendus avec attention), vient simplement clôturer un spectacle donné sur le terrain et dans les medias. Le pdg Domenech est responsable des défaites à répétition. 

Responsable mais pas coupable, 

Un peu facile, notre Monde de plus en plus complexe a besoin d'hommes responsables.



L'info éco + avec DIDIER TESTOT, émission du 26 février 2023

Didier Testot Fondateur de LA BOURSE ET LA VIE TV revient dans l’Info éco + sur Sud Radio avec les thèmes suivants : Immobilier : l’effondre...